Jusqu’à présent, Debre Sina s’est présentée à nous comme un endroit extrêmement accueillant. Tout comme à Addis, les gens semblent nous vouer un grand respect. La population de Debre Sina est habituée à ce qu’un petit groupe de farenjis arpente ses rues - ou plutôt sa seule route pavée accessible aux véhicules motorisés et ses nombreux sentiers rocailleux.
Il y a maintenant presqu’une semaine complète que nous y sommes. Toutefois, comme à Addis et peut-être de façon encore plus marquée, le temps a une façon de se défiler différente de celle à laquelle nous sommes habitués. Peut-être le soleil a-t-il un penchant pour l’Afrique et aurait décidé d’y passer plus de temps en y traçant des arcs plus grands.
On nous avait prévenu que tout ici serait différent. Je ne saurais dire si tel est le cas. Il y a bien sûr une multitude de problèmes que nous pouvons observer, mais je suis toujours très sincère en disant à plusieurs sceptiques que j’aime l’endroit.
Il est présentement presque neuf heures… fin d’après-midi… Le ciel est couvert et les nuages cachent le sommet des montagnes qui nous entourent. Nous sommes nous-mêmes en altitude – donc, pas très loin de ces nuages… Personne ne m’avait prévenu de l’immensité du décor entourant cet endroit. Notre première randonnée, dimanche dernier, s’est avérée un moment de pure extase. Ce sont les jeunes que nous avions rencontrés la veille - et qui habitent à proximité de notre compound - qui ont pris l’initiative de nous guider dans les montagnes. Ils ont fréquenté les anciens Canadiens et en ont visiblement profité d’où leur facilité à bien s’exprimer en anglais et leur large éventail de connaissances à notre sujet. Certains d’entre eux se dirigent vers le collège ou l’université alors que les plus jeunes se retrouvent dans nos cours d’anglais.
Notre compound est situé à une cinquantaine de mètres de la route principale. Nous y accédons par un passage plutôt étroit qui s’élève dans la montagne. Des marches ont été construites à quelques endroits. Il demeure plutôt ardu – pour nous – d’y marcher en sandales. Ce passage monte vers un autre sentier le long duquel habitent d’autres jeunes que nous rencontrons chaque jour.
Nous avons donc rencontré plusieurs jeunes lors de notre première fin de semaine. Il n’a toutefois pas pris de temps à des enfants beaucoup plus jeunes pour reconnaître la présence de Canadiens – en qui ils semblent avoir une confiance totale et de qui ils semblent avoir un grand besoin d’attention et d’affection. Je vais m’attarder sur trois d’entre eux – qui attirent particulièrement notre attention. Tibuko est un garçon de 10 ans, en charge de ses deux plus jeunes frères d’environ quatre ans (Tediko) et deux ans (Twodross), mais qui paraissent physiquement beaucoup plus jeunes que leur âge. Dois-je mentionner qu’ils semblent toutefois plus vieux que leur âge de par leurs actions… Ils marchent constamment à notre rencontre et se plaisent à passer du temps dans le compound. Ils ne se plaignent de rien et sont toujours souriants. Toutefois il nous a paru nécessaire de leur donner une chance de se laver et de procurer une paire de pantalons à deux d’entre eux puisqu’ils n’en portaient simplement pas. Le bébé, à peine plus haut que les marches, se débrouille relativement bien pour les monter et les descendre. Et même s’il sait très bien se relever, il se retrouve quand même, malgré lui, souvent par terre.
Ces enfants sont ceux que vous avez tous vus à la télévision – ces enfants et leurs blessures autour desquelles les mouches tournent et sur lesquelles elles vont se poser – sans même qu’ils les remarquent ou tentent de les faire fuir. C’est peut-être aussi un état d’esprit – une faculté qu’ils ont à accepter leur situation et à rester calme face à celle-ci.
Debre Sina est beaucoup d’autres choses. C’est une ville construite le long d’une route où s’arrêtent un grand nombre d’autobus et de camions et où les passagers et les chauffeurs peuvent y passer la nuit. Certains restent dans leur véhicule alors que d’autres fréquentent les hôtels. Un de ces hôtels est l’endroit où nous allons manger régulièrement – ou simplement pour prendre un café ou un thé. Cet hôtel est aussi un endroit où les clients peuvent faire appel à des prostituées qui sont aussi à l’occasion nos serveuses. Malgré que les condoms soient offerts gratuitement dans les hôtels et que les tests de dépistage du VIH/SIDA soient offerts gratuitement à la clinique de santé de la ville, les traitements sont pour la grande majorité inaccessibles. Il demeure donc que cet hôtel et les autres sont des endroits où continue de se propager la maladie. Dois-je mentionner que certains des jeunes que nous avons rencontrés à ce jour sont des orphelins du SIDA…
Debre Sina est aussi une ville vivante où les marchands et les commerces se comptent par centaines. Les voitures n’existent pas – il serait de toute façon impossible de circuler dans la ville en voiture - et leur fonction est donc remplie par les ânes. Ces derniers sont partout. Le nombre des humains est assurément inférieur au nombre d’animaux errant ou suivant leur maître dans les rues – chèvres, béliers, moutons, brebis, vaches, taureaux, coqs, poules, ânes, chevaux, chiens, chats… À proximité de notre endroit de vie se trouvent, sur la route, quelques tables de soccer sur table où se rassemblent des garçons de tout âge.
Présentement, pour le première fois depuis notre arrivée, il pleut. La saison des pluies est officiellement terminée au dire des habitants de la ville, mais apparemment, la nature en a décidé autrement. Nos cours d’anglais sont officiellement commencés. La première journée a consisté en une évaluation des étudiants pour les diviser en trois groupes. La deuxième journée s’est déroulée dans l’ordre. J’ai hérité des étudiants de niveau intermédiaire. La journée suivante, il a été très difficile d’enseigner dans une classe sans électricité sous un ciel pluvieux, à l’heure où les derniers rayons du soleil s’étaient déjà estompés et où la pluie résonnait dans la classe en s’abattant violemment sur le toit en tôle. Il semble que les cours se suivront, mais ne se ressembleront pas. D’ailleurs, que connaissons-nous vraiment des préoccupations de ces jeunes?
Ces jeunes sont comme tous les autres jeunes – ils veulent s’amuser – et savent démontrer clairement leur savoir vivre et leur sens des responsabilités, de l’entraide et du partage. Leur désir de parler anglais se justifie de différentes façons. Plusieurs étudiants intéressés n’auront pas la chance d’assister à nos cours puisque nos groupes sont complets. Néanmoins, lors de la troisième journée, une bonne quinzaine d’élèves ne figurant pas sur ma liste étaient assis sagement dans ma classe en espérant que je les garde. Désolé.
La marche vers l’école est toujours intéressante alors que vient vers nous le flot des étudiants qui viennent de terminer leurs cours. Tous les jeunes ne nous connaissent évidemment pas – certains ont à marcher pendant près de deux heures pour rentrer chez eux, mais il s’en trouve toujours quelques uns pour s’accrocher à nous et agrémenter notre trajet par des how are you? et des what is your name? La marche du retour est aussi spéciale alors que quelques étudiants insistent pour transporter nos effets personnels. Je dois admettre que je ne suis pas certain si mon expérience en enseignement peut m’être utile dans le contexte actuel – en considérant que j’enseigne l’anglais pour la première fois. Je ne connais pas non plus les habitudes des étudiants de Debre Sina. Il me reste un grand nombre de choses à apprendre.
Un grand marché prend place tous les jeudis au cœur de la ville. Tous les objets d’usage courant y sont à vendre – usage courant signifiant subvenir à ses besoins primaires. Tout ou presque est relié à l’action de se vêtir ou de se nourrir. Nous pouvons y trouver des fruits et des légumes – bananes, papayes et oranges / piments, oignons, carottes et pommes de terre. Nous sommes en réflexion à savoir si nous allons nous procurer un animal de compagnie… Sans hésitation, un âne serait mon premier choix, mais il se pourrait aussi qu’un agneau ou une chèvre vienne habiter notre cour.
Ceci m’amène à décrire notre menu quotidien. Les options sont très limitées. Les restaurants n’ont pas de menu et de toute façon, il n’y a au total que quatre ou cinq plats différents – très semblables en fait – que nous pouvons commander… on mange généralement jusqu’à ne plus en être capable pour une modique somme de cinq à dix birrs… soit moins qu’un dollar… Nous cuisinons au moins une fois par jour, mais le résultat reste souvent assez modeste… On ne réinventera définitivement pas l’art culinaire à Debre Sina…
Après quelques jours de rencontres avec des gens de la communauté, mon horaire commence à prendre forme. Toutes les activités que j’ai déjà énumérées y trouvent graduellement leur case.
En terminant, Debre Sina est un endroit que nous nous plaisons à découvrir et où nous commençons lentement à jouer un rôle. Les jeunes de 10 à 25 ans sont notre clientèle cible. Je ne saurais décrire exactement comment je me sens. Je peux observer plusieurs problèmes qui, jusqu’à ce jour, n’existaient que sur un écran de télévision ou de cinéma. Toutefois, je ne ressens aucun malaise ou culpabilité. Nous sommes ici en tant que modèles, ce qui signifie pour moi, en tant que personne qui vient échanger avec les habitants de la ville. Nous avons parfois l’impression d’être des vedettes de cinéma lorsque nous marchons et que les gens crient nos noms en nous saluant de la main droite. Malgré tout ce qui semble ralentir le développement de cette communauté, je suis heureux de voir que la pitié n’occupe aucune place parmi notre groupe et que les gens de la communauté ne s’apitoient pas sur leur sort. L’instinct est ce qui nous guide et jusqu’ici, il nous guide bien et nous pousse à bien nous intégrer et à poser des gestes que les gens savent apprécier. Au revoir!
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2 comments:
Oli!!
j'suis très contante de savoir q t'a decidé d'aller a Afrique.
Maintenant, j' pense bcp sur le developement des pays... en fact, c'été mon thème pour le project final de la fac.
Et... tu sais koi? l'indication que la condition de la pauvreté et la faim des pays peux finir est la iniciative des gens comme toi, que son bien dispose de fair quelque chose pour produir le changement de ce realité...
j'espere q tu te souviens de moi et que tu est bien!
bisous! (beijinhos**)
Tatiana
- en conection Brasil-Ethiopia-Toronto?/Montreal? =))
ps.: comme toujour, pardon pour les erreurs!
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