Je la vois tous les jours à sa fenêtre
Elle me dit bonjour d’un signe de la tête
Et s’en retourne à sa petite vie
Elle a des fleurs des enfants et un chat
Tous d’un père qui n’est plus là
Elle fait ce qu’elle peut avec ce qu’elle a…
Perspective 1
Le regard que les gens posent sur moi demeure mystérieux. Je me plais à capter le regard des gens que je croise. Leur regard suit le mien jusqu’au dernier instant. C’est à ce moment que de moi sortent quelques formules de politesse savamment apprises ou jusqu’à tout récemment inscrites au creux de ma main. Ce regard, jusqu’ici impassible, s’illumine d’un coup sec – accompagné d’un sourire qui me rappelle que je suis le bienvenu. Le simple fait de lever les sourcils provoque la même réaction. Bref, il peut être très simple de communiquer en silence.
La clarté du jour est aveuglante et le paysage fascinant. Le sommet de la montagne sur laquelle notre ville est située apparaît et disparaît au gré des nuages… En quelques instants, le paysage passe d’une montagne – véritable limite à la fois physique et psychologique – à une étendue de blanc qui me transporte au sommet du monde d’où je peux imaginer l’infini – pour revenir à ce flanc de montagne. Lorsque les nuages nous enveloppent et que la pluie se déverse sur nos têtes et sur nos vêtements accrochés à l’extérieur, c’est toute la ville qui se voit transformée. Les gens courent s’abriter partout où ils le peuvent – jusque sous les camions arrêtés – alors que l’eau emporte avec elle tous les déchets pour nous donner l’impression de nous retrouver dans un tout nouvel endroit.
Le matin, assis devant mon macchiato, les nouvelles du monde défilent sur l’écran de télévision. Je pourrais en écouter le contenu, mais seules les images me disent que ces nouvelles ne concernent pas le monde où je me trouve… Elles viennent d’ailleurs et n’affectent nullement la vie des gens d’ici contrairement aux performances du United Manchester qui provoquent de nombreux sourires et effusions de joies perceptibles de n’importe quel endroit dans la ville.
Plus tard, je prends la route de l’école pour donner un cours d’ESL suivi d’un cours de français langue étrangère que je donne maintenant à une trentaine de travailleurs de la ville. En chemin, je peux voir des gens qui tentent d’échapper à une vache qui vient peut-être, au son des ustensiles et des assiettes, de comprendre son destin. L’école, voulant économiser de l’argent et les cours se déroulant après le coucher du soleil, c’est à la lueur des chandelles que je dois enseigner. L’atmosphère est étrangement propice. Les étudiants, trouvant un peu confort et de confiance dans le refuge de la noirceur, deviennent beaucoup moins hésitants à s’exprimer et à prononcer de nouveaux mots en français. À la fin des cours, les chandelles soufflées, c’est dans la noirceur totale que nous sortons du terrain de l’école au son des au revoir, bonne soirée et à demain… Il ne reste plus qu’à s’arracher les yeux pour discerner les pierres où nous poserons les pieds pour éviter de s’enfoncer dans la boue. Les chauve-souris remplacent maintenant les aigles et les corbeaux au-dessus de nos têtes dans cette ville où je ne cesse d’être épaté par la quantité de différents types de visages que l’on peut rencontrer. Si 13 mois d’ensoleillement est le slogan utilisé pour charmer les touristes – parce qu’il y a bien 13 mois au calendrier éthiopien – je préfère de loin pays aux 1000 visages.
Je la vois baisser les yeux pour traverser l’hiver
Les bras chargés de sa petite misère
Une autre solitude parmi les solitaires
Elle est tannée de ramer année après année
Des bouches à nourrir avec des baisers
Tout l’amour du monde ne donne pas à manger…
Perspective 2
Je me réveille après une nuit mouvementée – pendant laquelle, perdu entre le rêve et la réalité, j’ai entendu des chants venant de l’extérieur. Je n’ai pas trouvé la motivation pour en découvrir la source, mais j’ai utilisé tous les moyens que je connais pour me rendormir chaque fois qu’une voix s’est faite entendre. Funérailles ou célébration religieuse en l’honneur d’un saint quelconque, je ne l’ai pas su.
Les bruits ne chôment pas dans cette petite ville. Quelques jours plus tôt, une dame a fait sentir son mécontentement à un chauffeur d’autobus au retour de Debre Birhan. Il est vrai que la route est mauvaise et que la vitesse combinée à l’absence de suspension nous faisait décoller de notre siège quelques fois par minute. Toutefois, assis à l’arrière de l’autobus, je prenais la situation en riant… en espérant que mon estomac fasse de même.
La musique joue aussi constamment dans la ville… En fait, elle vient des magasins de musiques où on peut se procurer des cassettes de tous les artistes locaux ou de ceux qu’on a pu oublier au cours des derniers siècles…
Mais ce matin, ce n’est pas cette musique que je pouvais entendre – en fait, ce n’était pas une musique, mais le bruit assourdissant et enveloppant de la pluie frappant le toit en tôle de ma chambre. L’effet est impressionnant – je me baigne dans ce bruit jusqu’au moment où retrouvant une joie enfantine, je mets mes bottes de pluie et pars en quête de flaques d’eau.
Une fois que tout s’est calmé, les activités reprennent leur cours et c’est au son des conversations avec les autres volontaires que je me rends compte que les croyances de Philippe (philly hilly pour les intimes) sont tout à fait erronées. En fait, il est tellement loin de la vérité qu’il serait presque dangereux ici de m’expliquer davantage de peur de le traumatiser à vie. Il serait aussi un peu froissé de voir le trou – créé accidentellement – dans notre cour et qui nous donne une vue un peu trop précise de ce qui se trouve sous nos pieds – tout ce qui provient de la toilette… les conséquences de cet accident sont assez considérables – de la toilette, on peut également voir le fond dû à la lumière qui entre par le trou dans la cour. Si c’était tout, ce ne serait pas si pire, mais il est impossible d’ignorer la légère brise qui nous caresse lors de nos moments où on aimerait se sentir dans la plus simple intimité… sans oublier que, assis à la table stratégiquement placée par-dessus le trou – sécurité oblige – il peut nous arriver d’entendre quelques objets, après une chute de quelques mètres, frapper la surface de l’eau de pluie accumulée au fond du trou…
Les émotions fortes passées, je me mets en route vers le marché… il y a tellement de gens et tellement de bruits parviennent à nos oreilles… certaines personnes nous parlent en amharique et nous tentons tant bien que mal d’entretenir la conversation… nous leur posons des questions et ils répondent par l’affirmative – ou devrais-je dire par un simple bruit d’aspiration… c’est la façon la plus répandue de dire awo qui signifie oui… les gens ouvrent la bouche en aspirant légèrement et lèvent les sourcils… oui, j’ai compris, c’est vrai, tu as raison, je veux bien…
Le reste du temps, les jeunes remplis d’espoir ou fiers de connaître quelques formules en anglais dont ils ont clairement oublié la signification accourent jusqu’à nous pour nous tendre la main… cette poignée de main est souvent accompagnée d’une accolade d’épaules… how are you, are you fine, what’s your name, mister, give me…
Il nous est arrivé de ne pas savoir si certains enfants utilisaient de mauvais mots en anglais à notre endroit… des f-mots et des f-expressions… nous avons maintenu l’espoir que ces mots signifiaient quelque chose de positif et ces enfants semblent à notre grande surprise nous dire qu’ils nous aiment bien…
J’ai aussi eu l’espoir de trouver du nutella au marché jusqu’à ce que quelqu’un me mène jusqu’à des foulards traditionnels… Au moment de repartir, cette même personne nous a crié nasty ce qui signifie come on… On doit vraiment garder l’esprit ouvert…
Les cours d’amharique se poursuivent alors que notre professeur semble piger des mots au hasard dans le dictionnaire … malgré que je lui demande cinq fois de conjuguer un même verbe, je n’en connais à ce jour que quelques uns… que j’ose à peine utiliser… la seule chose qui change, c’est qu’au cours suivant, ce professeur nous a annoncé que nous allions étudier quelques verbes et a donc commencé par les mots difficult, heavy et hard… utile… toutefois, nous avons appris aujourd’hui le mot bone comme étant quelque chose à commander dans un restaurant… et cheese alors qu’il n’en existe aucune variété dans notre ville et les villes voisines… et pistol… et une infinité d’autres mots que je n’ai même jamais utilisés en français… j’arriverai sûrement à faire des phrases éventuellement…
Elle se demande pourquoi le monde est si grand
Elle se demande pourquoi le ciel est si petit
Elle se demande pourquoi pourquoi elle pleure toutes les nuits
Perspective 3
Les contacts humains prennent ici un sens très différent. L’espace personnel est un concept inexistant… Les étudiants nous encerclent au début et à la fin des cours en nous laissant à peine la possibilité de respirer. Chaque fois que j’en ai la chance, je prends une grande respiration et je tente de comprendre ce qu’ils attendent de moi.
Le défi est le même dans les minibus alors qu’il y a 12 places assises – incluant le chauffeur – et qu’il faut attendre, pour partir, que toutes les places soient prises… J’ai déjà pensé que 12 personnes suffisaient à ce qu’on se mette en route… la dernière fois que j’ai compté le nombre de personnes à bord d’un minibus, nous étions 24… C’est dans une situation semblable, en route vers Debre Birhan, qu’un passager a été malade… Heureusement, il me faisait dos – il était littéralement assis sur moi – et je n’ai donc pas été la personne élue pour connaître tous les détails de son dernier repas. La route, parfois pavée, parfois impossible à discerner entre tous les amas de pierres, a continué de s’avérer mouvementée et le mélange de l’odeur et des moments où l’autobus ne touchait pas à la route m’ont forcé à respirer au travers de mon chandail – espérant approcher de la destination.
Les repas sont des moments où nous sommes appelés à partager et à apprécier notre nourriture d’une manière assez spéciale. Le seul ustensile disponible est une cuiller servant à mettre le sucre dans notre thé ou notre café. Le reste se fait avec les mains. Les plats suffisent normalement à nourrir plus d’une personne alors c’est avec joie que nous pigeons tous dans la même assiette en essayant de former des bouchées, chose que les Éthiopiens accomplissent avec tellement de facilité.
Les gens s’attroupent également par dizaines à chaque fois que nous nous approchons d’une table de soccer sur table ou de ping-pong. Ils nous laissent la place et la chance de les impressionner. Je dois admettre que malgré mon grand talent dans ces deux activités, les données sont très différentes ici… La surface des tables de ping-pong ainsi que celle des raquettes sont plutôt irrégulières ce qui amène un grand élément de chance dans les parties…
Debre Sina est située à environ 3000 mètres d’altitude ce qui explique les nuages traversent littéralement notre petite ville… sinon, ils ne sont jamais très hauts… L’air y est aussi extrêmement pur sauf au passage de camions ou d’autobus qui dégagent des nuages noirs sur la route… L’oxygène y est toutefois plus rare ce qui rend la course difficile… sans mentionner les côtes… Je me suis risqué à courir quelques fois dans les dernières semaines pour me rendre compte que mes poumons sont mis à l’épreuve et me forcent à arrêter ma course avant même que mes jambes ne ressentent la moindre douleur… La situation s’avère quelque peu frustrante car après deux minutes de repos, je suis de nouveau prêt à courir… jusqu’à ce que mes poumons n’en puissent plus… Je suis allé courir seul ce matin et me suis rendu jusque très haut dans la montagne d’où on aperçoit à peine la petite ville… où vivent les babouins… La route est toujours bordée de fermiers qui descendent vers le marché en compagnie de leurs troupeaux d’ânes qui se poussent docilement au son de mes pas… et de jeunes qui courent à mes côtés avec qui je tente d’entretenir la conversation en amharique qui les fait rire plus souvent qu’autrement… Oh! J’oubliais de mentionner que comme la route principale est en pente et qu’il y a environ cinq bicyclettes dans notre ville et que ces bicyclettes n’ont pas de dispositif qui leur permette d’arrêter (communément appelés freins), il a fallu que je me fasse frapper… Comme dans les films… J’ai pu apercevoir la bicyclette foncer vers moi en sachant ce qui allait se produite et une fraction de seconde plus tard, je luttais pour ne pas tomber… Tout s’est arrêté, certaines personnes m’ont offert de m’emmener à la clinique – c’était tout ce qu’il fallait pour que tout à coup je me sente bien et que l’impact soit déjà classé quelque part dans mes souvenirs oubliés…
Elle a connu des princes qui n’étaient pas charmants
Qui se sont poussés sur leurs chevaux blancs
Qui ont eu peur de ses rêves et de ses enfants
Elle aurait besoin de quelqu’un de bien
C’est une princesse qui ne demande rien
Que du peu de tendresse dont elle a besoin
Perspective 4
La nourriture commence étrangement (?) à me plaire… Je n’étais pas trop certain d’apprécier le menu – d’autant plus qu’on mange la même chose presque à chaque jour – lors des deux premières semaines, mais maintenant je me surprends à avoir toujours faim et à manger à chaque fois que j’en ai l’occasion… et surtout à ne jamais rien laisser au fond de l’assiette… J’ai apporté avec moi 170 petites barres de chocolat… Il n’en reste plus une seule… Ma montagne de chocolat de la première journée s’est complètement vidée… Je trouve quand même d’autres sources de sucre qui me permettent de survivre… J’envoie ce message d’Addis où je me trouve aujourd’hui – avant de me mettre en route demain vers le lac Ziway pour les trois prochains jours où je referai une réserve de pâtisseries et de chocolat… et de jus d’avocat! :)
Quand t’as rien à perdre et que t’as du chagrin
Que ta ration de merde est ton pain quotidien
Que tu ne crois ni à Dieu ni au destin
La rumeur m’a dit qu’elle attendait qu’il pleuve
Pour aller s’acheter une robe neuve
Pour aller dormir dans l’eau du fleuve
4 comments:
я все розумію!!!!!
Hi Oli!
I really enjoy reading your blog. You write very good, it reads very easy. And again as always, so many nice pictures, you really have a talent for that!
It's also great of you to help the people in Ethiopia. I hope some day I can also do something like that. You're an inspiration for many! Keep up the good work!
Hughs from Belgium!
Sofie Waeyaert
Hi Olivier!!
HOw r u ??
j ai aime bcp ton blog.
U r living a wonderfull experience it is great to know that u r helping the people in Ethiopia.
keep up the good work and send news.
fais attention a toi.
kisses from Brazil
Paula
Elle en a vu de toutes les couleurs
Elle est revenue de tant de combats
Elle a tellement tendu son coeur
Là où d'autres ont baissé les bras
Elle dit qu'après certains regards
Les mots deviennent dérisoires
On fait des choses parce qu'elles s'imposent
Sans se demander pourquoi
C'est peut-être une goutte dans la mer
C'est peut-être une goutte dans le désert
Oui mais c'est sa raison d'être
Elle en a essuyé des yeux
Elle en a baissé des paupières
Oubliant même que le ciel est bleu
A tant se pencher dans la poussière
Elle dit qu'on peut toujours trouver
Des excuses pour ne pas bouger
Elle, elle préfère encore se taire
Et faire ce qu'elle a à faire
Chanson Ensemble
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